Mettre en regard la mémoire de l’évacuation de Strasbourg en Auvergne et en Dordogne, en 1939, et celle des rafles de 1943, avec les témoignages de migrants contemporains : c’est tout l’enjeu de la création Boulevard de la Dordogne, commandée à Gualtiero Dazzi, artiste en résidence à l’Université de Strasbourg. Un opératorio qui sera interprété au Palais universitaire, les 25 et 26 novembre.
Pas moins de 150 artistes se retrouveront sur scène au Palais universitaire. L’Orchestre universitaire de Strasbourg (OUS) et l’Ensemble vocal universitaire de Strasbourg (Evus) composent la majorité des intervenants, auxquels s’ajoutent la soprano Samantha Gaul, le violoncelle Ildikó Szabó, les textes chantés de Elisabeth Kaess et les poèmes lus et enregistrés de Michèle Finck. Si à ce jour, nous en sommes aux dernières répétitions, notamment à l’église Saint-Paul pour affiner le travail et ajuster l’acoustique, ce projet d’envergure a démarré à l’automne 2016, par une rencontre entre le compositeur Gualterio Dazzi et Mathieu Schneider, vice-président Culture, sciences en société. « Dans le travail de mémoire que nous faisons chaque année au moment des commémorations de la rafle de 1943, il nous semblait important de marquer l’occasion du 80e anniversaire de l’évacuation de la ville et du repli de notre université à Clermont par un projet fort et singulier. Impliquer les étudiants eux-mêmes dans une résidence confiée à un artiste et laisser à la postérité une œuvre où est inscrite cette mémoire et où elle interroge le présent, s’est rapidement imposé à nous comme la meilleure solution », explique Mathieu Schneider.
Interroger la notion de déracinement et d’accueil
« Ce qui m’a poussé à me tourner vers l’université est le fait qu’elle soit pilote dans l’accueil des étudiants et des chercheurs réfugiés. J’ai proposé de créer une œuvre autour de cette thématique, en apportant un regard nouveau sur les notions de déracinement et d’accueil », indique Gualtiero Dazzi. Pour construire le propos de l’œuvre, le compositeur est invité à l’université pour une résidence en 2018-2019, dans le cadre des Investissements d’avenir (Idex). Commence alors un travail de recueil de témoignages avec différentes composantes de l’université, et notamment la collaboration de La Cimade, association créée en 1939 qui œuvre toujours pour l’accueil des migrants. « Nous avons travaillé, entre autres, avec le département des arts du spectacle de la Faculté des arts, la Faculté des lettres ou la Faculté des sciences historiques. Nous souhaitions également faire appel à d’autres entités qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler avec un artiste en résidence, comme la Faculté de droit, Sciences po Strasbourg ou le laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage) », explique Gualtiero Dazzi.
Le défi de monter une œuvre de cette envergure
Les réponses ont été rapides et enthousiastes de la part des acteurs de l’université, à l’image de l’OUS. « C’est un véritable défi de monter une œuvre de cette envergure. C’est pour nous, orchestre amateur, l’occasion de côtoyer des professionnels et d’engager une discussion avec le compositeur ; un fait assez rare. La thématique de l’œuvre, sa force et son message sont conformes à l’identité de l’orchestre et à ses engagements européens », commente Hervé Moritz, président de l’OUS. Sur la base des témoignages recueillis par les étudiants commence le travail d’écriture d’Elisabeth Kaess, professeur de lettres modernes à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) de Strasbourg. Un processus d’écriture imposée pour que l’ensemble constitue un matériel propre à être mis en œuvre musicalement.
Déracinement et hospitalité
A ce texte et aux poèmes de Michèle Finck, professeur en littérature comparée à la Faculté des lettres, qui constituent la colonne vertébrale de l’œuvre, s’associent huit mouvements et une quarantaine de tableaux composés par Gualtiero Dazzi. « C’est une œuvre poétique et musicale, qui traduit la détermination des hommes et interroge les notions de déracinement et d’hospitalité. C’est une œuvre lourde de sens, dont le message et les émotions traversent les époques. Il est nécessaire que le lieu de création soit symbolique, comme l’est le Palais universitaire ».
Frédéric Zinck
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